Hélène Amouzou voit la photographie comme un moyen de rafistoler son histoire. L’autoportrait lui permet de s'interroger, de trouver sa place, de s’inscrire dans son environnement, elle qui se sent dans un constant entre-deux. Entre le Togo qu'elle a quitté et la Belgique où elle réside, entre son histoire passée et celle qu’elle se construit, entre visibilité et invisibilité.

Pendant les années marquées par l’attente de sa régularisation, Hélène Amouzou produit sa série Autoportrait. Elle apparaît alors telle une ombre dans le décor, une trace sur la photographie. Cette esthétique particulière qu’elle crée, faite de flous, rend compte de l’incertitude dans laquelle elle vit.

La photographe continue ensuite ce travail d’introspection et de recherche. Certains éléments demeurent – l’approche essentialiste dans la mise en scène de son corps, la captation d’un état d’esprit – et d’autres changent. La valise et les autres possessions symboliques qui l’ont accompagnée durant son exil sont remplacées par des bijoux, des tissus, des souvenirs de famille qu’elle rapporte du Togo.

Hélène Amouzou explore à présent le rapport modifié qu’elle entretient avec son pays et sa culture d’origine. Elle se rend au Togo en décembre 2020 et, pour la première fois, y prend des photographies (à l’exception de quelques clichés de sa famille datant de 2011). Dans la série Entre temps, sa mère Kouwokédé, ses proches, son village de Kouvé, sont autant d’apparitions. Hélène Amouzou fait ainsi évoluer la notion d’autoportrait car, même en détournant l’objectif, c’est toujours sa propre histoire qu’elle rafistole.

Les photographies d'Hélène Amouzou sont des espaces-temps qu’elle nous invite à (re)découvrir.

*****

Née au Togo en 1969, Hélène Amouzou prend le chemin de l’exil à l’âge de vingt-trois ans. Elle passe par l’Allemagne, où elle donne naissance à sa fille, avant d’arriver en Belgique en octobre 1997. Là commence une vie de luttes, jusqu’à l’obtention de sa carte de séjour en 2009, avant de devenir citoyenne belge en 2015. À partir de 2004, c’est à Molenbeek-Saint-Jean – où elle réside alors – qu'Hélène Amouzou suit des cours à l’atelier de vidéo et de photographie de l’Académie de Dessin et des Arts visuels de la commune. Si elle ressent d’abord un malaise quant au thème de l’autoportrait, elle y revient progressivement deux années plus tard, pour s’y consacrer pleinement. Sa technique reste la même, celle de la photographie argentique, principalement en noir et blanc.

Espaces-temps est la deuxième exposition personnelle d'Hélène Amouzou au Centre culturel Jacques Franck (la première, Entre le papier peint et le mur, remonte à 2017). L’année 2022 est riche pour la photographe : la galerie new-yorkaise The Women’s Darkroom lui a consacré l’exposition Voyages intérieurs au printemps, et, auparavant, Entre temps s’est tenue au FOMU. Les œuvres d’Hélène Amouzou sont dans les collections SMART, Tropenmuseum (Amsterdam) et March Gallery (New York). Elles sont également montrées lors d’expositions collectives : African Cosmologies: Redux - biennale FotoFest en septembre 2022 au Houston Museum of African American Culture, Splendid Isolation au S.M.A.K. en 2022, MAGMA - 10^e triennale d’art contemporain d’Ottignies-Louvain-la-Neuve (2021), Musée des Beaux-Arts de Tournai en 2021, Some Things Hidden au Framer Framed (Amsterdam) en 2018, Where We’re At! Other Voices on Gender à BOZAR en 2014… Une monographie intitulée Entre le papier peint et le mur a été publiée en 2010 (Husson Éditeur).